vendredi 27 juin 2014

Magda...

Aujourd'hui ,j'avance et termine le découpage d'un album sur lequel je travaille avec une scénariste depuis ce début d'année . J'aurais l'occasion de vous parler un peu plus en détail de Magda, l'ado héroïne de cette histoire dès que j'attaquerai les couleurs . Patience !

mardi 17 juin 2014

"Se casser les doigts"

    Il n'y a pas très longtemps de ça on m'a proposé d'intervenir dans une école pour y enseigner l'art du story-board. Proposition généreuse que j'ai déclinée pour un temps car je me suis sentie illégitime . J'ai l'impression d'être moi-même en constante phase d'apprentissage , ça m'a d'autant fait bizarre que j'ai appris à ce même moment le décès de l'une de mes anciennes profs d'art appliqué.
Je n'ai pas l'habitude de poser ce genre de mot sur le blog, mais l'idée de le faire me taraude depuis 3 ou 4 semaines ...Du coup j'exorcise ...Je te préviens, ça va être long et maladroit.
Cassandre était surement une de ces enseignants qui vous marquent à vie , de ces mentors qui vous sortent sans ménagement de votre zone de confort pour en extirper quelque chose de nouveau et bien meilleur quitte à ce que ça vous foute une trouille immense , de ces profs qui vous vexent , qui vous poussent à vous arracher à vous-même et à votre médiocrité .Et malheureusement, pour moi elle fera partie de ceux que je n'aurai pas eu le temps de remercier de leur vivant...
A l'époque , 19 ans à tout casser, j'arrivais dans cette classe toulousaine de Mise à Niveau en art appliqués , trop sûre de moi, l'orgueil nourri de ces 18 et 19 sur 20 que j'avais l'habitude de chopper au Lycée en Art plastiques et je tombe sur cette bonne femme qui nous dit le plus simplement du monde "je vais vous casser les doigts", sous-entendu "je vais vous apprendre à désapprendre: n'ayez pas peur ,c'est pas douloureux" (le tout avec un large sourire et le regard bienveillant, un peu comme pour contrebalancer ses mots)...
Sous couvert d'une familiarité installée avec ses élèves un peu étonnante ( elle nous demandait de la tutoyer et de l'appeler par son prénom) Cassandre m'a franchement , terriblement emmerdée, elle m'a bel et bien brisé les doigts au sens figuré du terme. Je lui en ai voulu .Moi, à l'époque je voulais, je désirais apprendre le 'vrai dessin":apprendre les "Bases"... Apprendre à tracer les lignes de perspectives, avoir des cours de morphologies, apprendre à construire , je voulais progresser et je trouvais injuste ce manque d'intérêt qu'elle semblait manifester à l'égard de mes croûtes , d'un académisme mal maîtrisé, à l'égard de mon trait trop "raide" , d'une écriture trop influencée par toutes les BD que je pouvais lire à l'époque ...En fait elle m'a drôlement contrariée la Cassandre, cette année là...Tout ce qui m'avait permis d'obtenir des 18 et des 19 en terminale me faisait perdre 5 à 6 points dans ma moyenne un an après...(que de chiffres insignifiants, au final)
Je me suis rendu compte qu'à l'époque, portée par un égaux froissé , mon "moi ado" l'avait injustement jugée . J'ai dû attendre de rentrer aux Gobelins pour avoir les cours de dessin dont j'avais toujours rêvénotamment des cours de morphologie, mais ce que je ne savais pas, à l'époque de mes 19 ans c'est que la phase d'apprentissages par laquelle je passais à ce moment-là me serait nécessaire pour mieux apprécier et profiter de ces cours bien plus tard...En gros ça revenait à "tout raser pour mieux reconstruire juste après" .
Cassandre voulait qu'on apprenne à dessiner ce que l'on "voyait", pas ce que l'on "savait", elle nous demandait de noircir les carnets de croquis à chaque ballade, on apprenait progressivement à nous affranchir du futile , du trait de "trop", à notre niveau , on commençait à faire la distinction entre finesse et grossier , entre sensible et kitsch, et c'était pas facile surtout à 19-18 ans...Je la revois passer derrière moi ou mes camarades avec ses bracelets qui faisaient “gling gling,” la mine dégoûtée,en se bouchant le nez juste après avoir vu nos "productions" sur papier casson, histoire de signifier qu'on s'était lancé sur de mauvaises pistes...


Eh ben tu sais quoi ? Au final les "bases" elles étaient bien là, observer, dessiner ce que l'on voit le plus modestement possible, se remettre en cause, s'affranchir du superflu pour aller à l'essentiel en passant par le sensible et la sincérité , c'était le meilleur terreau que l'on puise m'offrir à l'époque .
Merci pour cette belle claque qui m'a été salvatrice, Cassandre.




PS, je veillerai à me "casser" quelques phalanges de temps à autre , histoire de me surprendre toujours un peu...Comme quelqu'un qui n'en finit jamais d'apprendre.